Palais situé au cœur de la ville d’Eu, entre Normandie et Picardie, entre mer et forêt, le château d’Eu est un lieu remarquable par la richesse de son patrimoine historique. Outre le fait qu’il s’agisse d’une ancienne résidence royale, plusieurs personnalités fortes s’y sont succédées, laissant chacune une marque singulière.
On peut faire commencer l’histoire du château d’Eu avec Guillaume le Conquérant, duc de Normandie, qui deviendra roi d’Angleterre suite à la victoire de Hastings en 1066. En effet, pour son union avec Mathilde de Flandres, il choisit la ville d’Eu, aux confins de son territoire normand, « où est chastel ki siet sur l’ewe d’Ou, mult bel » (où est un château planté sur l’eau d’Eu, très beau). C’est dans ce château que le mariage est célébré en 1050. Il n’en subsiste plus rien aujourd’hui, car le 10 juillet 1475, la ville d’Eu est incendiée à la demande de Louis XI afin d’éviter que la ville ne soit livrée aux Anglais.
Il faudra attendre 1578 pour qu’un nouvel édifice soit construit près des ruines de la forteresse de Guillaume le Conquérant. Prévu pour être un château de plan en U, le projet reste inachevé : seulement une aile et le corps central seront construits.
L’aile droite du plan initial forme le corps central du château actuel.
Anne-Marie-Louise d’Orléans, duchesse de Montpensier et cousine du roi Louis XIV, dite la Grande Mademoiselle, achète en 1660 le comté d’Eu pour la somme de 2 550 000 livres. L’année suivante, elle prend possession du château, qu’elle trouve « assez beau ». Elle y fait aménager l’aile droite pour y résider, et lance des travaux en vue d’achever le château, de construire des bâtiments annexes, et de créer un parc planté d’ormes, de tilleuls et d’arbres fruitiers. Enfin, la Grande Mademoiselle veut aménager un jardin à la française qui, selon elle, manque cruellement au domaine d’Eu.
Louis-Philippe d’Orléans, duc d’Orléans, hérite du château d’Eu en 1821. Il charge l’architecte Fontaine de le rénover, et fait acquisition de terres afin d’agrandir le parc. En 1830, Louis-Philippe devient Roi des Français. Dès lors, la famille royale partage son temps entre ses résidences de Neuilly, Paris, Saint-Cloud et Eu, sans doute la résidence préférée du roi citoyen.
En septembre 1843, la reine Victoria d’Angleterre vient à Eu pour y faire un séjour de plusieurs jours. Cette visite scelle la première Entente Cordiale. C’est une victoire diplomatique pour Louis-Philippe, la Monarchie de Juillet et le château d’Eu, qui vit sa période la plus brillante.
Le roi Louis-Philippe abdique en 1848, tous les Orléans partent en exil. Le domaine d’Eu est confisqué en 1852, puis rendu au comte de Paris, petit-fils de Louis-Philippe, en 1872. Le comte de Paris décide donc, à son tour, de faire restaurer et redécorer le château d’Eu. Il fait appel à l’architecte Eugène Viollet-le-Duc à partir de 1874, et ce dernier travaillera sur ce chantier jusqu’à sa mort, cinq ans plus tard.
En 1886, la IIIe République vote une nouvelle loi d’exil, et le comte de Paris doit de nouveau quitter la France. Il part pour l’Angleterre, abandonnant Eu avec ses travaux à peine achevés.
Trois ans plus tard, le prince Gaston d’Orléans, comte d’Eu, marié à la princesse Isabelle-Chrétienne de Bragance, princesse impériale du Brésil, sera lui aussi condamné à l’exil après la chute de l’Empire brésilien.
En 1905, le couple décide donc d’acheter le château d’Eu au duc d’Orléans, fils du comte de Paris.
Ils récupèrent un édifice très endommagé après un incendie en 1902. Ainsi, le comte et la comtesse d’Eu entreprennent une restauration du château, et font reconstruire les toitures, les cheminées, les fenêtres.