Aujourd’hui identifiée comme un « métier d’art », la poterie a joué, pendant des siècles, un rôle fondamental dans les sociétés rurales. Principalement utilitaire, la poterie de terre a été le seul moyen de conserver, cuire et transporter les productions agricoles indispensables à l’alimentation des populations, qu’elles soient paysannes ou citadines.
L’invention au XIVe siècle de la poterie de grès imperméable - ici dans le Mortainais mais aussi dans le Beauvaisis - a été un considérable progrès pour conserver ces productions en limitant les disettes et les défauts d’approvisionnement des villes.
Ainsi, aux côtés de ceux du Cotentin, du Bessin et du Pays de Bray, des générations d’hommes, de femmes et d’enfants ont fabriqué, pendant des siècles, ces poteries de grès dans les nombreux ateliers de Ger.
Cette « industrie rurale » a largement participé au développement de la production du célèbre « beurre d’Isigny » et des beurres bretons, expédiés dès le XVIIIe siècle à travers le monde.
C’est un voyage au cœur de six siècles de société rurale et d’économie normande que propose le musée, implanté sur un authentique site potier.
Le village du Placître a été l’un des plus importants centres de production de Ger, au cours des XVIIIe et XIXe siècles.
S’y côtoient alors ateliers de tournage, séchoirs et fours à pot, maisons d’habitation pour le maître potier et les ouvriers, bâtiments à usage agricole, granges, pressoir, étables, écuries, porcherie, four à pain mais aussi une forge, une auberge et une école.
Les extérieurs sont très utilisés : on y trouve des vergers de pommiers et de poiriers, des séchoirs à pots, la production de pots stockés avant commercialisation, les immenses tas de bois pour la mise à feu des fours ainsi que de vastes tessonnières alimentées par les rebus de cuisson à chaque fournée.
L’activité potière du village s’organise selon deux grandes périodes.
Du 1er novembre au premier lundi du mois de mars, les ouvriers potiers partent en forêt abattre les arbres. Il faut amasser pendant l’hiver du bois permettant de cuire une fournée tous les quinze jours pendant les mois de printemps et d’été, à raison de cinquante stères par cuisson !
Pendant la belle saison les jours et les semaines sont rythmés par l’arrivée quotidienne des goulandiers apportant avec les chevaux l’argile de la carrière, la mise à feu bimensuelle et le défournement des fours quatre jours plus tard, le départ en charrette ou à cheval des pots à vendre ainsi que les travaux des champs.
À la fin des années 1980, l’acquisition de bâtiments dans le village du Placître par le Département de la Manche et la forte implication de l’association des amis de la poterie de Ger, engagent la préservation de ce patrimoine préindustriel exceptionnel.
Sont alors effectuées les restaurations d’une dizaine de bâtiments liés à l’activité potière : la maison du maître potier, des logements d’artisans, plusieurs ateliers de tournage dont un daté de 1724, un séchoir à pots provenant du hameau de la Basse-Louverie ainsi que différents bâtiments à usage agricole (grange, pressoir, four à pain).
La fouille archéologique des trois fours-tunnels implantés sur le site puis la reconstitution du dernier four ayant fonctionné constituent la partie la plus spectaculaire de cette sauvegarde. Ces constructions massives (trente m3 de laboratoire) combinent le tunnel à tirage horizontal, pour la cuisson des grès et deux chambres de cuisson superposées, à tirage vertical, pour cuire les terres non grésées : tuiles, briques et pavés.
À feu égal, chaque fournée permet ainsi de cuire cinq m3 de pièces en plus !